Cédric Étienne (CEDKILLA) :
la simplicité d’un homme,
la grandeur d’un regard.

 

Qui est Cédric Etienne,
ce talent rare, qui transforme
la vie en images et les silences
en émotions ?

 

Cédric, c’est d’abord un sourire retenu, un regard doux qui observe plus qu’il ne parle, un corps qui bouillonne d’idées derrière une apparente tranquillité.
Sous cette pudeur affleure pourtant une force indomptable, une passion ardente qui crépite comme la lave du Piton de la Fournaise. Ses veines battent au rythme des images qu’il rêve, des histoires qu’il veut offrir au monde.

Cette intensité silencieuse me rappelle une rencontre marquante dans ma vie : celle avec Tonie Marshall, grande réalisatrice aujourd’hui disparue. Je sais, au fond de moi, combien elle aurait aimé croiser le chemin de Cédric, reconnaître dans son regard ce mélange unique de délicatesse et de détermination qui habite les véritables conteurs d’images.
Car Cédric filme les êtres avec une justesse rare, une finesse presque invisible, comme si chaque plan était une caresse. Là où beaucoup s’imposent, lui s’efface, laissant la vie se révéler dans toute sa vérité.

Autodidacte acharné, il a grandi loin des plateaux, dans un coin de l’île où devenir réalisateur semblait impossible. Pourtant, il a choisi de croire en sa flamme, de la nourrir d’efforts et de nuits blanches, jusqu’à prouver que le talent n’a ni frontière, ni pedigree.
Dans chaque image, il porte la volonté de ceux qui refusent que leur origine décide de leur destin.

Dans cette interview Sans filtre, partez à la rencontre de Cédric : son humilité, ses combats, et cette passion volcanique qui, derrière la retenue, ne demande qu’à embraser l’écran.

Retenez bien le nom de CEDKILLA car derrière sa discrétion se cache un talent appelé à rayonner bien au-delà de notre île.

L'interview sans filtre

DL. Avant de devenir réalisateur, qui était Cédric ?

Cédric. Avant de devenir réalisateur, j’étais simplement un jeune de Sainte-Rose, et à l’époque ce rêve paraissait totalement impossible.
J’ai toujours été passionné par l’image et la technologie, mais je vivais dans un endroit où rien ne semblait permettre de suivre cette voie.
Ma famille avait des moyens modestes et ma ville offrait très peu de débouchés.

Malgré cela, j’ai eu une enfance agréable, entouré de ma famille et de mes amis proches. On n’avait pas grand-chose, mais on était heureux.

Mon adolescence, en revanche, a été plus compliquée.
J’étais en quête d’identité, à la recherche de moi-même, et je me suis souvent contenté de copier mes amis plutôt que d’affirmer qui j’étais vraiment.
Il m’a fallu quitter Sainte-Rose pour me construire et trouver ma propre voie.

Je considère cette période comme un temps un peu perdu, peut-être parce que je n’étais pas bien guidé, peut-être parce que je ne vivais pas au bon endroit, ou tout simplement parce que j’étais en décalage avec mon entourage.
Aujourd’hui, je ne regrette rien : tout cela a fait de moi la personne que je suis.
Je me remets beaucoup en question, j’observe, j’analyse.
Si je manquais de soif de savoir à l’adolescence, je crois que je l’ai largement rattrapée depuis.

 

DL. Le cinéma, un choix ou une évidence ?

Cédric. Le cinéma, pour moi, c’est un choix. Je ne viens pas d’un milieu où cette voie semblait possible.
C’est en découvrant des créations comme celles de "Dkpit J" ou de  "Manimal" que j’ai compris que tout pouvait s’ouvrir.
Ces jeunes, dont l’avenir paraissait aussi limité que le mien, réalisaient déjà des productions audiovisuelles de haut niveau.
Leur exemple m’a montré qu’il n’était pas nécessaire de fréquenter une grande école, de sortir des Beaux-Arts ou de grandir dans une famille aisée pour trouver sa place dans ce métier.
Je me suis dit : "S’ils peuvent le faire, pourquoi pas moi ?"

Mon apprentissage a été long, entièrement autodidacte, et il a fallu gagner la reconnaissance du public pas à pas.
Vivre à Sainte-Rose était un gros frein, c'était considéré comme un petit village sans talent : pour beaucoup, seuls les jeunes des grandes villes comme Saint-Denis ou Saint-Pierre avaient une chance.
Ce regard extérieur, loin de me décourager, est devenu une source de motivation.
Je voulais prouver que ce n’est pas le lieu d’où l’on vient qui décide de ce que l’on devient, mais la volonté de se battre.

Dans ma famille ou mon cercle d'amis, peu de gens croyaient en mon rêve.
Seuls mon cousin Emmanuel, qui faisait de la musique, et mon cousin Ludovic, passionné de 3D, m’ont soutenu dès le départ.
Aujourd’hui, pour des raisons personnelles, ils ont dû mettre leur passion de côté.
Je suis le seul à avoir continué, déterminé à aller au bout de ce que j’ai commencé.

DL. Des étapes marquantes dans ton parcours ?

Cédric. La première étape a été d’avoir, au moins, une caméra.
Malgré leurs moyens limités, mes parents ont fini par acheter une petite caméra familiale, tu sais, celle qu’on trouvait dans les hypermarchés, avec des bandes VHS. J’ai commencé avec ça.

En termes de créativité, c’était compliqué.
J’ai demandé à mon père s’il pouvait m’aider à financer un ordinateur, ce qu’il a accepté.
Ensuite, j’ai enchaîné les petits boulots pour m’acheter du matériel un peu plus haut de gamme, pas non plus les caméras du cinéma  : maçonnerie, coupe de canne, coiffure à domicile…
Je me suis même retrouvé à emprunter la tondeuse de mon père pour couper l'herbe des voisins. Chaque sou était mis de côté pour ma passion.

Le vrai déclic est arrivé au lycée, lorsqu’on a eu l’opportunité de tourner un court-métrage avec Réunion La 1ère.
Cette expérience a tout changé. J’étais alors dans un cursus en maintenance de réseau informatique qui n’avait rien à voir avec le cinéma.
Quand j’ai compris que ce que je voulais, c’était prendre une caméra et filmer, j’ai rapidement quitté l’école.
Avec le recul, c’était sans doute une erreur. J’en avais parlé avec mon professeur principal, mais je crois qu’il ne m’aimait pas et n’a pas su me guider vers les bonnes options.
Il existait une passerelle pourtant qui m’aurait permis d’accéder à une école de cinéma, mais je ne le savais pas.
D’ailleurs, Monsieur Mack Po Pan, si vous lisez cet article, je me souviens de votre phrase :
"Tu seras un bon à rien dans le futur." Pensez-vous toujours la même chose de moi ?

Devenir réalisateur a été un moyen de me prouver que si je veux, je peux. Personne n’a à dicter ce que l’on souhaite faire ou devenir. Notre avenir nous appartient : à nous de prendre les bonnes décisions pour accomplir nos rêves.

 

DL. Ta plus grande fierté aujourd'hui ça serait quoi ?

Cédric. Comme je l’ai dit, devenir réalisateur a été un combat permanent.

Il y a quelques années, j’ai réussi à faire partie de l’élite des réalisateurs de clips sur l’île. Certains disaient même que j’étais le meilleur : même s’il y en avait d’autres très talentueux, mais j'avoue que j'étais dans le top 5 de l'île.
J’ai fini par arrêter les clips pour me lancer dans un autre univers, parce que j’aime le challenge et le dépassement.
Être le meilleur ou le rester éternellement ne m’intéresse pas : ce qui compte, c’est de vivre ma passion à 200 % et de chercher l’épanouissement dans ce que je fais.

 

DL. Et pour finir, la touche « Sans filtre » : si tu devais associer une couleur à ton avenir, laquelle choisirais-tu et pourquoi ?

Je dirais rouge, parce que le rouge représente la passion, la hargne qui brûle en moi.
Si un jour cette flamme s’éteint, je pense que j’arrêterai ce métier pour faire autre chose.